Avant l'installation du village de Trèbes au confluent de l'Aude et de l'Orbiel, le territoire de la commune était occupé par une petite communauté de cultivateurs (les premiers trébéens connus) situé sur un promontoire (le moural) à proximité du hameau de Millepetit.

 

L'enceinte de Mourral a été découverte en 1993 grâce aux prospections aériennes effectuées dans le cadre du projet collectif de recherche des sociétés de chasseurs aux sociétés d'agriculteurs dans le midi de la France. Cette structure a été repérée alors qu'elle était en cours de destruction par des travaux de décapage mécanique d'une carrière, sise au sommet de la colline de Mourral qui constitue un point stratégique remarquable pour le contrôle de la moyenne vallée de l'Aude. Les vérifications au sol ont permis de constater que cette enceinte était constituée d'un fossé doublé d'une tranchée de fondation de palissade.

 

 

le Moural, un village de la fin du néolithique (vers -3 000 ans)

Les zones colorées en bleu foncé (fossé) et en rouge (palissade) correspondent aux remaniements de l'entrée occidentale qui a été réduite lors d'une réoccupation ultérieure

 

reconstitution récente d'un type d'habitat semblable

une tentative de reconstitution numérique de l'ensemble

 

 

La fouille du comblement du fossé a livré d'abondantes séries de mobilier.

 

Les couches cendreuses les plus anciennes ont livré de nombreux restes de poteries décorées de cordons en relief (fin du quatrième millénaire av. J.C.

 

Les couches médianes et les structures liées à la modification de l'entrée orientale du site ont livré du matériel style vérazien ancien qui comporte quelques vases à mamelons superposés et de nombreux récipients à cordons. Cette occupation se place dans la continuité de la précédente et est datée au début du troisième millénaire soit 2900 à 2640 av. J.-C.

 

Après une lacune, les campaniformes ont réoccupé le site et laissé des témoins dans la partie occidentale du fossé qui était alors presque entièrement comblée. Un riche dépôt de mobilier comporte les éléments classiques de la culture des gobelets (armatures à pédoncule et ailerons en silex, pointe de Palmela en cuivre arsénié, perles en variscite et un abon-dant lot de céramiques fragmentées).

 

L'assemblage hétéroclite suggère soit une durée d'occupation assez longue du site, soit la perduration de certains types anciens jusqu'à la phase finale de la période. Il est parti-culièrement intéressant de noter que ces gobelets décorés sont associés à des poteries dites d'accompagnement qui diffèrent des productions indigènes de style vérazien. Leur présence suggère une autonomie culturelle du Campaniforme dès la phase ancienne et contredit la théorie selon laquelle les premiers gobelets auraient été diffusés comme produits de luxe, mobilier de prestige ou offrandes funéraires dans les cultures indigènes. Un petit dépôt de la partie supérieure du remplissage semble se rapporter à une phase plus récente du complexe campaniforme (décor scalariforme de style pyré-néen), il marque la dernière occupation du site vers 2300 av. J.-C.

L'enceinte du Moural (près du hameau de Millepetit) est sise au sommet d'une colline dite du Moural qui constitue un point stratégique remarquable pour le contrôle de la vallée de l'Aude. C'est une butte témoin d'une ancienne terrasse alluviale.

 

L'enceinte était constituée d'un fossé doublé d'une tranchée de fondation d'une palissade.

 

Ce site s'étend sur 4.630 m2. L'enceinte se compose d'un fossé mesurant 66 m de diamètre et d'une tranchée de fondation de palissade qui le double vers l'intérieur à 4 m de distance. L'entrée principale vers l'est est marquée par une interruption du fossé sur 7 m et une interruption concordante de la palissade sur 2 m, l'entrée orientale était plus large à l'origine mais elle a été réduite à une simple poterne au cours de l'occupation du site. La palissade se composait de rondins pratiquement jointifs d'un diamètre moyen de 0,20 m avec des piliers plus massifs de part et d'autre des deux portes.

 

 

À l'intérieur, 3 bâtiments, le plus grand au nord devait mesurer près de 30 m sur 9 m, il s'agit d'une construction à 2 nefs avec pignon droit et une entrée axiale matérialisée par deux piliers massifs. Au sud, le second bâtiment présente le même agencement de l'entrée qui devait former un portique haut soutenant la poutre faîtière. Il est plus petit avec des murs convergents vers l'arrière, ce qui suggère une terminaison probablement en abside. Le troisième bâtiment se surimpose à ce dernier et n'est représenté que par deux trous de poteau. Tous contemporains de la première occupation du site (fin du quatrième millénaire av. J.-C.). Ce type d'architecture à ossature en bois et murs porteurs est une nouveauté dans le Néolithique du midi de la France où l'on ne connaît que fort peu d'exemples.

 

L'hypothèse de bâtiment à usage collectif ou de résidence privilégiée peut donc être envisagée pour les très grandes constructions de Mourral

Reconstitution numérique de la structure de  l'habitat du Moural

mobilier campaniforme

 

 

Les témoins de consommation (céréales carbonisées, restes de bovins abondants, caprinés, suidés) de même que ceux concernant les activités de transformation et les échanges (céramique très abondante, outillage osseux et industrie lithique en matériaux locaux ou importés, parures en coquillages et en talc), témoins de vie domestique attestent d'un habitat même si quelques ossements humains ont été retrouvés mêlés aux déchets dans les diverses couches de comblement du fossé.

 

Cette présence d'ossements humains dans le remplissage du fossé pose le problème d'activités rituelles ou cérémonielles mettant en jeu, sur le site, les restes de certains défunts.

 

L'ampleur du travail effectué pour réaliser cette enceinte et ses grands bâtiments est sans commune mesure avec ce que l'on constate sur les multiples petits habitats contemporains recensés dans le couloir de l'Aude tous les 5 km à 7 km. Cela indique une probable hiérarchisation sociale qui transparaît aussi dans les types de sépultures de cette époque au cours de laquelle des tombes modestes côtoient de grands monuments mégalithiques. Le site de Mourral pourrait donc être un habitat défensif dévolu à un groupe social prééminent qui ne produisait pas lui-même tout ce qu'il consommait (absence de silos). Au Mourral, il est clair qu'un groupe autonome du Campaniforme ancien a réoccupé l'enceinte qui devait alors être en grande partie ruinée.


 

Fiche de synthèse réalisée par Patrice LEPLAT, en août 2017 à l'aide des travaux de M. Jean VAQUER du CNRS (Qu'ils en soient remerciés)

Pour aller plus loin (sources): note complète de Jean VAQUER et travaux numériques de Patrick PEREZ et Frédéric LESUEUR