Guillaume RAZOULS et sa famille

C’est la guerre, ou plutôt la "croisade". Nous sommes en 1209, en plein mois d’août, le 16. Sur les hauteurs de Béragne, l’un des prieurés de Tresmals (l'actuel Trèbes), un garçon de 13 ans, Guillaume RAZOULS, apprend avec tous les siens l’effroyable nouvelle: hier la Cité de Carcassonne s’est rendue aux Croisés.

 

Guillaume est le fils de Guilhem et de Pagana, prénom féminin alors en usage, pauvres serfs (comme nous le racontent deux actes notariés provenant des archives du chapitre cathédral de Carcassonne).

 

Il y a à peine 1 mois, le 20 juillet, les Croisés, cette horde d’étrangers, avaient saccagé Béziers et massacré tous ses habitants. Ces jours derniers on les avait vu passer: ils avaient pris le chemin Romieu (la route Minervoise) qui, évitant Narbonne, reliait Béziers à Carcassonne, par Capestang, Azille et le nord de l’étang de Marseillette : le chemin des incursions sarrasines de sinistre mémoire, racontent les anciens. A leur approche, les villages s’étaient vidés, les habitants s’étaient enfuis, laissant leurs maisons désertes.

 

Guilhem apprend que le jeune Raymond Roger de Trencavel (24 ans), vicomte de Carcassonne, est fait prisonnier dans son palais de la Cité où il mourra quelques mois plus tard, le 10 décembre.

 

Ces gens du nord sont venus extirper l’hérésie cathare, cette nouvelle religion qui ajoute au christianisme une réponse au problème du mal: Dieu n’ayant pu créer ni les ténèbres ni le mal, il existe un autre principe auteur du mal. Véhiculées par les Parfaits que l’on voit souvent circuler deux par deux, de maison en maison, vêtus de manteaux noirs à capuchon, les idées cathares se répandent comme une traînée de poudre, d’abord dans la noblesse, puis dans tout le peuple. A l’inverse de beaucoup de prêtres qui vivent dans le laisser-aller, les nouveaux prédicateurs font preuve d’un grand zèle, donnant l’exemple de la pénitence et de la prière.

 

Des cathares, il y en a partout, durement à Trèbes comme aux alentours (malheureusement, aucun document ne corrobore ce fait). Il y en a à Conques, on en signale à Leuc et à Villefloure. A Aigues Vives, les Parfaits poussent l’audace jusqu’à utiliser l’église pour leur prédications. A Aragon, la presque totalité du village vient les écouter. Laure possède deux communautés, l’une de femmes, l’autre d’hommes. Il y a 2 ans, l’Abbé Guy, prédicateur catholique, a été insulté en franchissant la porte du Castrum. A Peyriac, beaucoup d’adeptes parmi lesquels Guillaume et Pierre Tort.

 

La Cité et les deux faubourgs de Carcassonne leur sont largement ouverts, à tel point que l’évêque Béranger en voit partout. Un jour il s’est écrié en chaire: « vous ne voulez pas m’écouter, eh bien ! Je pousserai un tel rugissement contre vous que, des extrémités du monde, viendront des gens pour détruire votre ville » l’Evêque fut mis en quarantaine et dût même quitter la ville.

 

Il faut signaler la citadelle de Cabaret, dans laquelle Pierre Roger, Seigneur de Lastours accueille les prédicants. Le Diacre Arnaud y prêche, il y a également une maison des Parfaites.

 

Et bien entendu Minerve, qui dans un an, sera le refuge de 140 Parfaits. Tous, sauf 3 femmes refuseront de revenir à la foi catholique et seront brûlés. Parmi eux il y en avait du Carcassès, donc peut-être de Trèbes, réfugiés lors de la prise de Carcassonne  par les Croisés.

 

L’Evêque Cathare de notre région était Bernard de Simore.

 

Il y avait eu, dès le début des prédicants catholiques pour endiguer le mouvement. Echec. A cause de leur train de vie, ils n’étaient pas crédibles. Puis en 1207 et 1208, Frère Dominique était venu à Carcassonne. Les Chanoines de Carcassonne possédaient Saint-Jean de Béragne et étaient également chargés de l’église paroissiale de Trèbes. On peut donc imaginer l’enfant de chœur Guillaume Razouls, servant la messe au futur Saint.

 

Avec l’assassinat du Légat pontifical, tout s’était envenimé et Guillaume Razouls enfant, avait ainsi vécu les horreurs de la guerre.